J’ai obtenu mon baccalauréat scientifique en 2004. Malgré cela, ces deux dernières années j’ai mis un peu de temps de côté pour passer mon bac L en candidat libre.
Cet article relate cette petite aventure. Je donnerai les différentes étapes par lesquelles je suis passé ainsi que toutes mes notes - glorieuses ou non.
La motivation
J’ai aujourd’hui donc mon Bac S en poche, cependant à l’époque j’avais hésité avec la possibilité de faire un bac L. Il faut dire que j’ai toujours eu un attrait pour le côté littéraire des choses, mais comme mon objectif était de travailler dans l’informatique, le S s’est imposé. De plus le bac S m’a toujours été présenté comme la voie royale, celle qui ouvre le plus de portes.
Un jour je finis par me motiver à tenter de passer le bac à nouveau. Juste comme ça, pour voir.
Cette fois ci j’ai 25 ans, j’ai fini mes études depuis quelques années et je n’ai aucune envie de changer de carrière. Je m’amuse même plutôt bien à écrire des lignes de code, mais je me demande vraiment si j’ai les capacités pour réussir l’épreuve sans passer des heures à bachoter et sans avoir à m’inscrire au CNED.
Je finis donc par m’inscrire, ce qui se s’avéra être beaucoup plus simple que prévu. Un formulaire en ligne et me voila candidat individuel au Bac L, spécialité Anglais.
Je devrais donc passer les épreuves sur une période de deux ans, la première séance proposant le français et les sciences, le reste venant l’année d’après. L’objectif à ce moment là était de voir si j’arriverais à m’en sortir lors des épreuves anticipées. Si je partais avec des points de retard je comptais arrêter les frais, par contre, si tout se passait bien, je continuerais jusqu’au bout.
Mes deux plus grosses questions étaient: vais-je l’avoir et combien aurais-je en philo ? J’avais été un peu vexé de n’avoir eu que 10/20 dans cette matière lors de mon Bac S et j’espèrais faire mieux cette fois-ci.
Le début des révisions
Après l’inscription, j’oublie un peu mon projet, et tout d’un coup juin - et donc les épreuves - s’approche dangereusement.
N’étant plus lycéen je me retrouve avec très peu de temps pour réviser car mon temps est passé entre travail et autres considérations de la vie active. Malgré ça, j’arrive tout de même à potasser le programme entier de science. Ce dernier est d’ailleurs vraiment très différent de ce que j’avais pu voir en S à l’époque. Pour ce qui est du français, l’écrit n’est pas un problème: je prendrais l’écriture d’invention quoi qu’il arrive, ce qui me permet de ne pas vraiment travailler et viser une improvisation sur le moment.
C’est au niveau de l’oral que les problèmes commencent. Le programme spécifie que l’élève doit venir avec une suite de texte étudiés en cours. Je n’ai pas eu de cours, je n’ai donc pas de textes - duh. Il est très difficile de trouver quels types de documents sont valides, je me retrouve donc à créer un dossier frankenstein fait de morceaux d’anabac, de souvenirs de 2004 et de mes lectures personnelles.
Les épreuves anticipées
Je ne m’y attendais pas du tout, mais les épreuves se déroulaient toutes dans un lycée. Sans vraiment de raisons je supposais être avec d’autres candidats individuels dans un centre d’examen spécifique.
Me voila donc à gratter ma copie double avec des ados qui ont 10 ans de moins que moi! On me regarde un peu avec surprise, la barbe et les tatouages n’aidant pas.
L’oral de français est assez surprenant aussi bien pour moi que pour l’examinatrice. Déjà les documents que j’ai choisi sont assez approximatifs… mais comme j’ai vu dans une circulaire que si les documents fournis ne sont pas suffisants l’examinateur peut en donner de nouveaux, je propose l’idée. Heuresement je dois faire peine à voir et elle me laisse passer sur un livre de Camus… le problème est que je l’ai lu il y a plus de 5 ans et je ne m’en rappelle plus très bien. Je fais donc une présentation plus que bancale, oubliant la moitié de ce que je dois faire.
Une fois les 20 minutes écoulées, l’examinatrice me demande sur un ton plus informel pourquoi je passe le bac en candidat libre. Vu la performance que j’ai pu donner j’imagine qu’elle pense que je ne l’ai pas eu! En tout cas elle parait fort surprise quand je lui explique les vraies raisons. Elle me pose énormément de questions, bien plus interessée que quand je démontrais le parallèle entre La Peste et le nazisme. Notre discussion se conclue par l’examinatrice m’expliquant qu’en 15 ans de correction de bac elle n’avait jamais vu ça - mais que ça n’influerait pas sur ma note. Dommage.
Après quelques semaines d’attente, les résultats tombent et je m’en sors pas trop mal avec 15 au français écrit, 12 au français oral et 12 en sciences. J’ai donc atteint mon objectif et je suis obligé de continuer l’année prochaine avec la suite des épreuves.
La suite des révisions
La deuxième vague d’épreuves s’annonce être bien plus compliquée que la première. Tout d’abord parce qu’il y en a bien plus, mais également parce que mon emploi du temps est bien plus chargé. Je viens de changer de travail en début d’année et j’ai un voyage au Canada prévu juste avant le début des épreuves orales.
Comme la première année je prépare un plan de bataille par matière, mais je me rend compte que je ne pourrais pas tout réviser. En effet le programme est incroyablement vaste. Par exemple la géographie parle aussi bien de la mondialisation que de Mumbai ou bien des Caraïbes. L’histoire quant à elle traite de sujets obscurs comme le socialisme en Allemagne. La littérature se penche quant à elle sur une pièce de théâtre qui a énormément de liens avec la situation politique en France durant la révolution de juillet…
Il y a également beaucoup de choses à apprendre par coeur, comme les cartes de géographie ou les dates d’histoire. Sachant très bien que je n’arriverais pas à mener tous ces combats de front, je décide de faire l’impasse sur énormément de points et me concentrer sur les grandes lignes du programme.
Comme pour moi la philosophie est non seulement ce qui m’intéresse le plus dans ce bac, mais également ce qui déterminera si je l’obtient ou non du fait de son coefficient très élevé, j’accorde le plus clair de mon temps de révision sur cette matière. Hormis les fiches de révision que j’ai pu acheter, je trouve quelques podcasts spécialisés comme Bob Radio ou bien des émissions de France Culture comme les nouveaux chemins de la connaissance que j’écoute en boucle dans le métro pour me mettre dans le bain.
Les surprises
A mon grand découragement, je découvre avec ma convocation que la LV2 possède un oral. Je n’ai pas parlé un mot d’espagnol depuis des années et, même à l’époque, j’étais plutôt médiocre. Je peux sauver les meubles à l’écrit, mais m’envoyer passer l’épreuve orale est simplement du suicide. Je me lance donc dans des révisions avec duolingo, mais sans grand espoir.
L’autre petite blague est que je suis sensé passer les épreuves de sport, c’est à dire le badminton et le 3x500m. Ouch. Bien sûr je pourrais me faire dispenser, mais ça serait tricher. Je me retrouve donc à recruter un ami et, deux semaines avant l’épreuve, je dois louer un terrain pour voir si je me rappelle comment jouer avec des raquettes.
Enfin revient l’horrible dossier préparé en cours pour les oraux d’espagnol et d’anglais. Je dois donc concocter à nouveau une suite de documents en espérant que les examinateurs ne soient pas trop regardants sur la cohérence de ce que je produis.
Les épreuves
Les épreuves de 2013 commencèrent par le sport, qui fut un grand moment de solitude. Imaginez un groupe d’ados de 17-18 ans qui se sont entraînés toute l’année pour l’épreuve, et moi qui sais à peine ce qu’il doit se passer.
Le 3x500 est une catastrophe car même si je ne suis pas complètement rouillé, c’est une distance assez batarde car rapide mais également longue. Pendant la course je trouve quelqu’un qui a l’air d’avoir les mêmes difficultés que moi, ce qui me rassure. C’est donc avec une grande détresse quand je le vois vomir et à moitié tomber dans les pommes à la fin du premier 500m… Par contre le badmiton fut une réussite, j’imagine que ces années à m’entraîner aux raquettes de plage ont enfin payé.
Les oraux de langue vivantes furent littéralement une épreuve. J’étais parti au Canada et mon avion revenait lundi matin, ce qui coïncidait avec mon oral d’espagnol… lundi après midi. C’est donc au saut de l’avion, épuisé et jet laggué, que je me suis présenté pour expliquer des textes que je ne comprenais qu’à moitié dans une langue que je ne parlais pas. Magique.
Le reste des épreuves se déroulaient dans un lycée du 16ème arrondissement, ce qui a permis de réaliser l’incroyable différence d’environnement avec le lycée de banlieue dans lequel j’ai passé 3 années. Nettement plus charmant.
C’est dans ce lycée où pour la première fois j’ai pu avoir la satisfaction de ne pas être le plus vieux. En effet un autre candidat libre qui semblait avoir un petit début de quarantaine se trouvait vers le début des rangées de table. C’était réconfortant car pendant toute la durée des épreuves les gens croyaient que j’étais un surveillant et pas un élève.
Sur cette deuxième série, j’ai eu beaucoup de chance. En effet l’épreuve d’histoire géo est tombée sur des sujets que je connaissais relativement bien juste par mes intérêts personnels: la mondialisation et les différentes visions de l’implication de l’état dans la vie de ses citoyens. L’épreuve d’espagnol était honnêtement beaucoup trop simple. La moitié des points étaient donnés pour simplement citer le texte, et il y avait même une question à laquelle on pouvait répondre en français!
La philo
L’épreuve de philosophie était non seulement celle ouvrant la semaine d’hostilités, mais c’est surtout la plus mythique.
J’ai choisi le sujet “La science se limite-t-elle à constater les faits?” car la deuxième option sur le langage semblait rempli de pièges et que je ne voulais même pas regarder le commentaire de documents… je n’y peux rien, l’épreuve de philo ça sera toujours pour moi répondre à une question un peu obscure pendant 4 heures!
À la fin de la journée je surveillais les sites de correction en ligne afin de voir si j’avais pris un plan qui collait aux leurs, et à mon plus grand désespoir tous les sites étaient partis dans une autre direction que moi, mettant plus le poids sur le fait que la science doit surtout analyser les faits et pas seulement les constater. Moi de mon côté j’essayais d’expliquer pourquoi les faits ne sont pas pertinents en rebondissant entre Descartes et les nombres imaginaires.
Les résultats
Pour être honnête, je n’ai pas réellement ressenti de stress pendant les épreuves ou même après. Si je n’étais pas reçu, ça ne changerait absolument rien à ma vie… mais le jour des résultats j’ai eu l’impression d’être en terminale à nouveau. Mine de rien j’avais passé pas mal de temps à faire les démarches, monter les dossiers, réviser… et si c’était pour rien? J’ai donc hâté le pas pour arriver au lycée qui affichait les résultats.
Pour rajouter au suspens je me suis trompé de panneau de jury, et j’ai donc passé 2 minutes à chercher désespérément mon nom dans une liste dont j’étais forcément absent. De la joie à l’état pur. Finalement je retrouve mon nom sur la liste des reçus, accolé de la mention Bien! Je mentirais si je disais que ce n’était pas un gros soulagement.
À partir de là il m’a fallu récupérer le détail de mes notes et je me suis retrouvé à nouveau incrédule: 9 en littérature, 18 en histoire/géo, 17 en anglais, 14 en espagnol, 14 en LELE (littérature étrangère en langue étrangère), 20 en philosophie et 10 en sport.
Je pense avoir complètement bloqué sur le 20 en philo. J’ai du fixer cette ligne dans le relevé de note, d’abord en supposant m’être trompé de ligne, puis en imaginant que c’était 20 après pondération et que j’avais donc environ 2,8… mais non. Je suis donc sorti calmement entre les lycéens hurlant de joie et ceux pleurant et j’ai effectué une petite danse de la victoire.
Alors ?
Déjà, je ne vais pas le cacher, je suis content que tout soit fini. Revenir à une époque où il me fallait réviser n’était pas un plaisir. Mon mode de vie actuel me laisse peu de temps libre et le remplir ainsi était parfois frustrant. De plus poser des congés pour passer des épreuves était assez contrariant.
Cependant si c’était à refaire, je le referais avec plaisir. J’ai pu me replonger dans des sujets que j’avais complètement oublié et pu donner une nouvelle chance à la philosophie. Je me suis d’ailleurs rendu compte à quel point cette matière est difficile à l’âge où les lycéens l’abordent. Je vois bien qu’à 17 ans j’étais incapable de produire le même raisonnement que maintenant, car il suppose plus d’expérience et une culture générale plus solide. C’est d’autant plus vrai pour un élève de Terminale S car la philosophie demande de produire un raisonnement assez proche du raisonnement scientifique classique, mais basé sur un autre groupe de repères et avec une production écrite tout a fait différente. Je comprends donc mieux pourquoi je ne comprenais pas vraiment ce que l’on attendait de moi.
Sur ce, je vous laisse. Je dois mettre à jour mon CV pour dérouter tous les futurs recruteurs qui le liront!
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